Petit, cheveux d'ange, grands yeux bleus étonnés de tout, sourire désarmant, j'étais un enfant merveilleux. A l'école, on me surnommait "le petit Jésus". J'aimais tout observer de près. Le nez en trompette collé sur la vitre pour suivre la piste baveuse des escargots, les mains fouillant sans fin dans les petits cailloux à la recherche de coquillages, le monde foisonnant de l'herbe, mousse humide mouillant ma culotte, lichen sec sur le tronc des arbres, petits insectes cachés sous l'écorce, tortues surgissant de sous les buissons, hérissons charmants plein de tiques, j'étais aux anges, je ne rêvais pas. Il suffisait d'ouvrir les yeux et de pencher la tête. Joie.
Le jardin était sans fin et se renouvelait chaque jour. Il y avait le monde merveilleux de la mare, celui du ruisseau, le bruit des feuilles dans les peupliers, les coques piquantes chutant des marronniers aux larges feuilles, les limaces, les chenilles, les papillons nombreux et tant d'autres choses dont j'ai gardé le souvenir intact - moi qui n'ai le souvenir de rien.
Je voulais partager avec tous la joie qui débordait en moi. Je riais souvent. Adorable comme tout, j'étais adoré. Je vivais dans l'évidence absolue, la connaissance immédiate de tout avant l'arrivée du savoir.