Voici
des années que j'aime le regard de François Matton et que je ne
sais comment le lui dire parce qu'il est impossible d'épuiser
précisément ce sentiment de vivre qui le constitue. Rien ne me fait
davantage basculer dans le rêve que cet œil à deux faces, l'une
dirigée vers le monde, l'autre vers l'espace intérieur.
Par
magie de plume d'encre, crayons divers, pinceaux ou tracés
numériques, surgissent sur fond immaculé des corps magnifiques,
dessinés comme s'ils étaient d'évidence, des bouches à se damner,
des forêts où se perdre, des objets éparpillés du quotidien, des
monuments isolés dans le ciel aux rayonnements de cinéma, des
maisons de quartier, des lapins aperçus en promenade, des jouets et
des visages. Le gaufrier des cases, quand il est maintenu, devient
une pure séquence d'instants volés, un cabinet de curiosités, un
dispositif volontiers expérimental, qui scande les fragments d'une
autobiographie suggérée. Il construit déjà, quand je le découvre
vers 2009, un monde suspendu dans chaque moment dessiné, un arc fixé
dans l'espace entre la rétine-témoin et les objets pris dans son
spectre à géométrie variable. Regarde, regarde, regarde les
phénomènes. (...)
Luc
Vigier, La Nouvelle Quinzaine littéraire.