vendredi 21 juin 2019

Magique














Je peux maintenir l'ouverture tout en marchant, c'est formidable ! Les rues s'ouvrent devant moi. Je ne saurais dire si je les avale dans mon grand vide ou si c'est le grand vide qui les crache, mais c'est magnifique et très drôle. Les bâtiments n'ont plus la même taille, je les perçois comme des maisonnettes pour enfants. Au fur et à mesure que j'avance, le monde semble se glisser de part et d'autre pour se dissoudre — les platanes notamment. Tout ça est très étrange et follement gai. Liberté, liberté jolie !


 


Pour que cette ouverture au centre reste confortable (non angoissante), pour ne pas que je m'y abîme avec vertige, il faut que j'y maintienne la conscience de mon corps. Qu'il soit relaxé ou non n'est plus un problème. Il suffit que je sois conscient de sa présence en restant à l'écoute des sensations : chaleur, fourmillements, tensions diverses, densité, impression de creux, de mou, de spongieux, etc.  
Ces sensations changeant sans cesse, l'abandon de toute image fixe de mon corps s'impose — pour ne pas le brimer, pour lui laisser tout loisir de se métamorphoser à sa guise. Par exemple sa taille varie considérablement, d'une minute à l'autre, en fonction des tensions auxquelles il est nécessairement soumis pour accomplir le moindre geste. Il passe de nain à géant sans ciller.

En m'allongeant sur le canapé, il peut en revanche se relâcher complètement. Il se fait alors très léger, très discret — même s'il s'étale au premier plein et occupe une bonne partie de mon champ visuel comme un nabab vautré dans l'abandon.

Je le perçois au même titre que n'importe quel autre objet du monde. Il se trouve juste qu'il est constamment au tout premier plan : c'est mon paysage le plus familier.
Anne, Anne, n'entends-tu rien venir ? Le monde est en marche vers la joie !