Tu habites une cabane isolée depuis plus de
trente ans. Tu pourrais être bûcheron, braconnier ou bandit en cavale, mais tu
n'es rien de tout ça. Tu vis seul sans jamais avoir eu la vocation de la
solitude. Tu t'étonnes de survivre année après année alors que tu n'as jamais
gagné un sou. Par chance tu aimes les baies et les racines, ce qui constitue
l'essentiel de tes repas. Quand il t'arrive d'attraper un lapin ou de pêcher
une truite à main nue dans la rivière, c'est un festin. Tu regrettes alors de
ne pouvoir le partager avec quiconque. Mis à part ça, la compagnie des hommes
ne te manque pas. A défaut de leur parler tu t'adresses parfois à eux en leur
écrivant de longues lettres que tu gardes pour toi. Tu les entasses dans un
joli coffre en bois peint que tu conserves sous ta table de nuit, sans te
soucier de ce qu'elles deviendront une fois que tu auras cassé ta pipe. La
routine de tes journées presque toutes identiques est la seule chose qui
t'occupe. Depuis peu tu te mets à boiter dès que tu t'éloignes un peu trop.
Aussi tes promenades se font de plus en plus courtes, et ton humeur de plus en
plus sombre. Personne ne te regrettera quand tu auras rendu ton dernier
souffle. Cette pensée t'est douce.