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L'ARRÊT est une pratique révolutionnaire consistant dans le fait simplissime de s'arrêter.
Oui, s'arrêter.
Autrement dit : cesser soudainement de faire quoi que ce soit.
C'est tout.
Vous tenez la clef de la révolution poétique.
Ouaf.
Bon. Je sais que c'est difficile à avaler mais, vois-tu, je suis intimement convaincu que tout ce qui arrive, que tout ce qui "m'arrive" ne pouvait arriver autrement. Je n'ai aucun pouvoir là-dessus, j'en suis persuadé. Je ne choisis ni ne décide rien, rien de rien. Même si je peux me faire croire le contraire - et je ne m'en prive pas. Avec ça, je n'existe pas. Du moins pas en tant que personne. Et bien entendu tu n'existes pas plus que moi. En fait personne n'a jamais existé en tant que personne — bien que nous tous croyons mordicus être une personne, le personnage central de "notre" existence. Mais ce n'est qu'une croyance, aucunement un fait. Notre pseudo existence d'être singulier et séparé n'est que le produit d'une construction purement conceptuelle sans la moindre consistance. C'est Babar dans le dessin animé qui se prendrait pour quelqu'un. C'est mignon mais c'est du délire. Babar n'existe pas, ce n'est qu'un dessin qui a l'apparence d'un individu. Martine à la plage, pareil. Sophie et ses malheurs, pareil. Pipeau, délire, pure hallucination. Ce qui ne veut pas dire que rien n'existe ! Il y a bien la vie (oui oui), un corps, des corps (aucun doute), des sensations (c'est l'évidence), de la lumière (et comment !), des arbres et des camions, des pensées, des croyances qui vont et viennent, des peurs, des désirs, des prises de tête, des orages, des illusions d'objets, une illusion de futur, une impression d'observation, une impression d'écouter, une impression qu'un moi-je parle, pense, choisit de se lever ou de se recoucher. Mais tout ça ne tient pas une seconde à la réflexion. C'est du bidon. Tout se fait tout seul de soi-même, il n'y a pas personne agissante Et bien entendu pas de dieu ni de plan divin, non, juste une impression de début et de fin, d'accomplissement éventuel, de progression dans le temps. Tout ça du seul fait d'un cerveau qui conceptualise sans arrêt. Mais c'est bidon. Il suffit de se droguer une seule bonne fois pour le voir : tout se déconstruit dans la seconde, il n'y a plus de centre, plus de localisation. La méditation permet également de le voir (pas de panique). Mais il y a quantités d'autres moyens pour percer le mur de nos fragiles convictions : la stupeur, l'orgasme, la transe, la dépense extrême dans le sport, la contemplation d'un chat, d'un tigre, une mouche, la fixation impossible du paysage par la fenêtre d'un train, tomber follement amoureux, tomber terriblement malade, tomber d'un pommier la tête la première, tomber tomber tomber et se relever – moitié mort, plus léger. Amen.
Voici des années que j'aime le regard de François Matton et que je ne sais comment le lui dire parce qu'il est impossible d'épuiser précisément ce sentiment de vivre qui le constitue. Rien ne me fait davantage basculer dans le rêve que cet œil à deux faces, l'une dirigée vers le monde, l'autre vers l'espace intérieur.Par magie de plume d'encre, crayons divers, pinceaux ou tracés numériques, surgissent sur fond immaculé des corps magnifiques, dessinés comme s'ils étaient d'évidence, des bouches à se damner, des forêts où se perdre, des objets éparpillés du quotidien, des monuments isolés dans le ciel aux rayonnements de cinéma, des maisons de quartier, des lapins aperçus en promenade, des jouets et des visages. Le gaufrier des cases, quand il est maintenu, devient une pure séquence d'instants volés, un cabinet de curiosités, un dispositif volontiers expérimental, qui scande les fragments d'une autobiographie suggérée. Il construit déjà, quand je le découvre vers 2009, un monde suspendu dans chaque moment dessiné, un arc fixé dans l'espace entre la rétine-témoin et les objets pris dans son spectre à géométrie variable. Regarde, regarde, regarde les phénomènes. (...)Luc Vigier, La Nouvelle Quinzaine littéraire.
c'est dur - le yoga - les tensions - la respiration coincée - la vie c'est dur - c'est dur et bon - la vie est dure - pour tous - tous ! - exploités - exploitants - militants - crs - fonctionnaires - gouvernement - terrible ! - et comment on s'en sort malgré tout - c'est merveilleux - mixité spontanée - le soleil - chapeau - merci pour tout - namasté
Je ne dessine bien qu'en petit. C'est plus organique intime modeste, plus proche de l'écriture qui sort dessous la main sans s'étirer sur les murs comme le font ces ânes du Street-Art qui n'ont pas compris que ce qui est précieux ne s’étale pas — ce qui s'étale c'est l'ego, toujours, et il n'en a jamais assez.
Des petits dessins c'est comme des têtards : des embryons riches d'une potentialité qui n'a pas besoin de se déployer en grenouille pour nous attendrir.Comme un idiot j'ai toujours essayé de trouver le moyen de faire grand (pour vendre et en foutre plein la vue, j'imagine). Comme tous mes essais gestuels se sont vite révélés bidons (de la gonflette), j'ai essayé autrement : en reprise fidèle à grande échelle par le biais de la projection. Ça produit des effets très étranges (genre Alice aux pays des merveilles mattonesques) et je n'ai pas l'impression de me trahir puisque le dessin est exactement le même, au poil de cul près, sauf que c'est plus grand. Pour le reste, I don't care.