(Ce qui s'est passé /2)
Quand je suis entré à l'école
des beaux-arts, j'ai achevé ma première métamorphose. J'ai appris
que tout ne se valait pas, qu'il fallait distinguer et distinguer
encore, prendre parti, juger. J'ai donc rapidement pris l'habitude de
tout juger : mes frères (leur comportement idiot, leur intérêt
débile pour le sport), mes parents (je passe), les amis de mes
parents, mes copains, le goût des uns et des autres, la télé,
tout, tout ce que je voyais entendais lisais pensais, je me mettais aussitôt à le juger
péremptoirement, argumentant pompeusement, faisant le malin, le
pénible content de lui. Ce jeu est devenu une véritable manie, ma
seconde nature, renvoyant la première aux orties. J'étais loin
d'imaginer dans quelle misère allait me conduire bientôt cette
passion critique.
- - -