mardi 14 août 2018
dimanche 12 août 2018
samedi 11 août 2018
Pas de tête
Il est très drôle ce dessin, Oreilles Rouges. C'est toi ? Très drôle. Si si. Bon, après... moi je ne suis pas très "bonshommes". Je peux dire ça sans que tu te fâches ? (Dis-moi si tu supportes ou pas la moindre objection. Je veux discuter tranquillement, pas t'énerver ou te miner.) Je ne représente pratiquement jamais de bonshommes, tu as remarqué ? Sais-tu pour quelle raison ? Eh bien parce que je suis schizophrène. Et les schizophrènes ont un rapport très singulier à leur corps. Certains le perçoivent morcelé, d'autres ne le perçoivent pas du tout. Moi, mon problème, c'est la tête. Pas un problème dans ma tête, mais un problème avec la tête. Je ne la vois pas. Je ne l'ai jamais vue. Je n'en ai vu que des images (pas très flatteuses). Je vois mes mains, mes pieds, mes jambes, mon ombre, mais je ne vois pas ma tête. Pourtant je devine qu'elle est là, mais j'ai beau faire je ne la vois pas. Alors tu comprends que dans ces conditions dessiner un bonhomme qui serait moi avec une tête me paraît relever de la pure science-fiction. Quant à me représenter sans tête vue de l'extérieur (de l'extérieur tel que je vois les autres - qui eux ont une tête), ce serait une autre fiction toute aussi éloignée de mon expérience. Du coup je dessine ce que j'ai sous les yeux. Pas de tête. Je pense que c'est notre expérience à tous (si on y prête attention et qu'on oublie cinq minutes les miroirs). Ce qui fait que la représentation d'un "je/narrateur" avec une tête, je vois ça comme une illusion issue d'une hypnose sociale. Ce qui fait que je ne fais pas de bd. Ce qui fait que je n'ai jamais reçu le prix d'Angoulême. Et tu sais pourquoi ? Parce qu'ils détestent les schizophrènes. C'est ce qu'ils m'ont dit au téléphone quand je les ai appelés pour savoir pourquoi je n'avais toujours pas eu le grand prix. Ils m'ont dit : "Soit vous êtes complètement fou, soit vous êtes con. Je préfère me dire que vous êtes fou." Et ils m'ont raccroché au nez. Au nez de quel visage, me demanderas-tu ? C'est une bonne question.
vendredi 10 août 2018
Les premières ombres
Les premières ombres chinoises ne furent pas très réussies, à cause de son manque d'expérience et de l'anxiété que provoquait en lui le désir d'impressionner les fillettes. Le chien ressemblait à un canard, le canard à un crocodile, le crocodile à une trompe d'éléphant. Mais en faisant l'éléphant il obtint enfin son premier succès : c'était un pigeon parfait et, lorsqu'il voulut le perfectionner en allongeant ses auriculaires pour figurer les défenses, le pigeon étendit ses ailes. Il mima la tête d'une vieille femme et il en ressortit une voiture de course. Une paire de lunettes donna un chapeau. Un chapeau, le minaret des Omeyyades. Dans l'ombre, un petit vieux marchant avec une canne (combien de fois ne l'avait-il pas essayé la nuit passée !) devint un chignon enrubanné. Il ne comprenait pas pourquoi il les ratait tous, mais en même temps tous donnaient un autre résultat, certes distinct, mais reconnaissable et intéressant. S'il n'annonçait pas ce qui allait suivre, on pouvait croire qu'il s'était proposé de faire ce qui se présentait.
César Aira, Le testament du Magicien Ténor
mercredi 8 août 2018
Bob la mort
(carte postale)
Vous ne connaissez pas
L'histoire de Bob la mort
Comment il vécu
Quel fut son calvaire
L'histoire de Bob la mort
Comment il vécu
Quel fut son calvaire
Vous vous en fichez ?
Crétins
C'est un peu votre histoire
Ecoutez donc
Prêtez l'oreille
Voici l'histoire
De Bob la mort
Crétins
C'est un peu votre histoire
Ecoutez donc
Prêtez l'oreille
Voici l'histoire
De Bob la mort
Alors voilà
Bob est né dans le MissouriAlors voilà
Parmi des péquenots puants
Bob a une petite amie
Elle est jolie et son prénom
C'est Franchise
A eux deux ils forment
Un super couple
Un super couple
Lorsque j'ai connu Bob
C'était un gars tranquille
Honnête et cool
Il faut croire
Que c'est les autres
Qui l'ont rendu barjot
On a prétendu qu'il puait plus qu'un autre
D'où son surnom de Bob la mort
N'en pouvant plus
Il demande un jour à Franchise
Est-ce vrai que j'pue tant qu'ça ?
Franchise lui cache rien
De son haleine de chacal
Trop mal Bob il a les boules
Il cherche partout
Un remède à la mort
Un guru lui dit
D'apprendre à respirer
Pour ventiler
Bob aussitôt s'entraîne
Tous les matins
Il respire la gueule ouverte
Les mouches tombent
Bob tient bon
Seulement très vite
La puanteur revient
Bob passe toutes ses journées
A ventiler ventiler ventiler
C'est pas une vie
Franchise lui dit
Ça va pas
Trouve aut'chose
Alors Bob croise un autre guru
Sa méthode à lui
C'est la désidentification
Il dit à Bob qui n'en peut plus
J'vais pas t'cacher qu'c'est l'horreur
Seulement mon p'tit gars
C'te puanteur ce n'est pas toi
Cesse de t'identifier
N'en fais pas un drame
Laisse causer les autres puants
Bob est content
Ça pue toujours
Mais c'est plus lui
Maintenant il s'en fiche
Seulement Franchise
Elle capte rien à c'que ça change
Pour elle ça reste l'enfer
Impossible de s'y faire
Bob est accablé
Il faut qu'il déracine le mal pour de bon
Pas question de s'en accommoder
C'est là qu'il croise un dentiste
Un de ces sales arracheurs de dents
Qui lui fait ouvrir grand la gueule
Cherche pas plus loin mon gars
T'as un chicot tout pourri dans l'fond
Je peux t'l'arracher mais tu vas pleurer ta mère
M'en fous dit Bob ch'suis prêt à tout
Ok c'est parti
Sclick clack scroch
Plus de chicot pourri
Mais un trou dégueux
Qui sent pas la rose
Putain de misère
C'est ça la vie ?
Franchise n'en peut plus
Elle se casse
Elle va voir ailleurs
Elle couche à droite à gauche
Avec la moitié du Missouri
Quand elle revient vers Bob
Vingt ans plus tard
Ce n'est plus une jeunette
Elle en a vu et ça se voit
T'sais quoi ?
Elle dit à Bob
Tout le monde pue de la gueule
Surtout à l'aube
Toi c'était juste un peu plus épicé
Dans l'fond j'aimais bien
Ton goût d'vieille éponge
T'aurais pas dû t'emmerder
La puanteur
C'est tout le monde
C'est la vie
Faut pas faut pas
Focaliser
Focaliser
dimanche 5 août 2018
Le geôlier du fort de Joux
Né à Nancy en 67, l'ex-soldat de l'an II Nicolas Sigisbert Bureau fêterait ses quarante ans fin mai, s'il trouvait d'ici là une raison de s'en réjouir. Il en doutait beaucoup. Entamée sur les chapeaux de roue, lieutenant à vingt-cinq ans, commandant à vingt-sept, sa carrière militaire avait connu un coup d'arrêt brutal lors du siège de Mayence, treize ans plus tôt, l'année même où il était devenu commandant, jusqu'à la fin de ses jours rien d'autre que cela, le commandant Bureau, par la faute d'un boulet de canon, dix-sept kilos de fonte qui lui avaient esquinté la jambe gauche et emporté la droite, réduite à néant. Une prothèse en bois de tilleul la remplaçait comme elle pouvait, elle résonnait fantastiquement sur les pavés du vieux château ; qu'il vente ou qu'il neige, c'était souvent les deux, se déplacer, ici, était un cauchemar permanent.
Il aurait pu être aigri, amer, méchant, le geôlier du fort de Joux, on ne lui en aurait presque pas voulu. Mais pour que le tableau fût vraiment pathétique, c'était un homme poli avec ses prisonniers, inquiet de leur confort — un homme sans illusions ; à ceci près qu'il était libre de se vautrer à tout moment, pas de quoi faire tinter les clefs d'un air sadique et supérieur, ils étaient dans la même galère ; comme eux il avait froid, comme eux il était loin des siens, il avait en Moselle une femme et une fille de dix ans, comme eux il tournait en rond. Et stoïque avec ça ; il ne se plaignait que par écrit, à sa hiérarchie, dans de longs mémoires à fendre le cœur qui restaient lettre morte ; régner sur une place forte décrépite et venteuse était encore un sort bien doux pour un cul-de-jatte sentimental, devait-on se dire en haut lieu.Didier da Silva, Toutes les pierres
jeudi 2 août 2018
mardi 31 juillet 2018
dimanche 29 juillet 2018
vendredi 27 juillet 2018
mardi 24 juillet 2018
dimanche 22 juillet 2018
jeudi 12 juillet 2018
mardi 10 juillet 2018
De retour
— Alors, cette page blanche ? Comment était-ce ?— Magnifique. Un bonheur rare.— Vraiment ?— Oh Oui ! Bien au-delà de toute ce que je pouvais espérer. D'emblée, elle s'est montrée parfaite dans sa virginité riche de tous les possibles. Il a suffit que je lui jette un premier regard pour que toute sa magnificence me soit révélée.— Vous évoquiez le projet d'une confrontation...— C'était beaucoup mieux que ça. Je parlerais plutôt d'une osmose. Et même d'une communion. Ou encore d'une "sainte conversation", à la manière de Giorgione si vous voulez : une conversation muette, d'esprit à esprit, sans que soit nécessaire le recours au moindre mot.— C'est moi que vous laissez sans mots. Je m'attendais à autre chose.— Je comprends. C'est souvent le problème : l'attente. L'attente d'autre chose. On sait rarement s'en tenir à la contemplation de la page blanche. Il faut aussitôt qu'on y projette toutes sortes de fantasmes, d'élucubrations. On ne peut s'empêcher de trépigner à ses pieds. On se sent prêt à tout, caquetant dans le vide avec un instinct névrotique de conquérant. Étonnez-vous après ça que le silence intérieur se dérobe ! Vous avez rompu le charme en cédant à une impulsion orgueilleuse. Comme la page blanche est docile, elle accueillera tout ce que vous voulez. Seulement, il ne faut pas espérer pourvoir retourner en arrière. Vous voilà face à vous-même, rien qu'à vous-même, à votre propre voix, à votre prétention à formuler quelque chose qui serait de plus grande importance que le silence premier de la page blanche. Son vide vous a fait peur, il vous a fallu l'occuper, le remplir, y projeter je ne sais quoi de personnel qui vous semblait (mon Dieu) impératif. Je parle d'expérience : que de fois ai-je cédé à cette tentation ! Toujours avec griserie, et toujours avec le sentiment de trahir. Et plus que ça : d'accomplir un viol. Oui, un viol. Comme on se sent misérable alors ! La culpabilité qu'on s'efforce de ne pas entendre vous ronge dès lors nuit et jour. Le jour on est irritable, la nuit on ne dort plus. Folie ! C'est cette misère que je m'étais déterminé cette fois à ne plus reproduire.— Et comment vous y êtes-vous pris ?— L'attention, la concentration, la vigilance la plus grande. Enfin, la contemplation (qui elle ne demande plus le moindre effort).— Si je comprends bien cette retraite a été d'un parfait non profit.— Qui songerait à tirer profit de l'amour ?— Je vois. En un sens vous en êtes au même point qu'avant votre départ.— Au point zéro, précisément. Tout le monde néglige le point zéro. On veut vivre, mais sans le point zéro ça n'est rien que de l'anecdotique dont il ne restera rien. Des souvenirs tout juste bon pour distraire la perfusion terminale. Désolé de faire le rabat-joie.— Pfff.— Quoi ? T'as un problème ? You're talking to me ? Allez, tire-toi minus, tire-toi.
lundi 18 juin 2018
All work and no play
Je pars seul demain à la cambrousse pour une durée indéterminée afin de me coltiner un sérieux tête à tête avec la page blanche. Adieu.
mardi 12 juin 2018
Il y a moi et moi...
(entendons-nous)
Pas question de nier le moi fonctionnel. Il est nécessaire et parfaitement légitime. Même les animaux possèdent ce sens de l'individualité basique. Pour communiquer il faut être deux, toi et moi, distincts. Pour me rendre quelque part il faut que je sache où je suis, il faut que j'aie conscience de ma localisation spatiale. Je ne peux nier la présence de mon corps, le moi fonctionnel est là pour le préserver des accrocs. Tout ça est entendu.Le problème est le moi imaginaire, narcissique despotique et inquiet. Cette image de soi, construite de toutes pièces, n'a rien de naturelle. C'est une figure en carton-pâte séparée du fond de laquelle elle se distinguerait absolument. Avec elle naît la prétention d'être un individu exceptionnel, exceptionnellement malheureux ou chanceux, un cas unique, une problématique à fouiller sans fin. Ce personnage imaginaire s'attribue tout ce qui est vécu. Il serait celui qui décide, celui qui a raison contre les autres, celui qu'on ne comprend pas, celui dont on va voir ce dont il est capable, etc. Il se croit central, le pivot du monde (glorieux ou piteux). C'est à la fois la tour de contrôle et le pilote dans l'avion. Tout passe par lui. C'est lui qui respire, c'est lui qui s'est fait lui-même, c'est lui le seul responsable de sa réussite ou de sa faillite. Il porte son existence sur ses épaules. Il endosse la responsabilité de tout (ce qui fait qu'il balance sans arrêt entre fierté et honte). Il s'attribue tout. Brrr.Pourtant, ce moi qui se croit à l'origine de toute action arrive en réalité toujours avec un train de retard par rapport à l'action qui a eu lieu spontanément sans qu'il intervienne. Aujourd'hui, de multiples études ont prouvé que le cerveau s'active plusieurs secondes avant que la pensée-moi ne se l'attribue avec la prétention que c'est lui qui a fait ce choix qu'il croit personnel (enfin, vous m'avez compris - reformulez ça correctement si vous vouez, je ne vais pas y passer mon après-midi). Je ne suis pas sûr qu'on ait bien vu l'importance d'une telle découverte, en quoi elle remet en question toutes les croyances sur notre fonctionnement. Autrement dit c'est la "nature" qui décide pour nous (action, choix et réflexes spontanés), ce que le moi nie en prétendant être à l'origine de tout.C'est aussi délirant que la feuille qui se décrocherait d'un arbre en pensant "J'ai décidé qu'il était temps de m’octroyer un petit vol à l'air libre, je n'en pouvais plus d'être scotchée à cette branche !". De même, aucun étourneau ne s'attribue la prouesse de ne heurter personne dans la foule si compacte de leur nuée magnifique.C'est plus clair là ? Ok. J'ai bien fait de préciser alors. Merci Pierre :)Je pourrais dessiner un vol d'étourneaux, tiens — c'est joli ça un vol d'étourneaux...
dimanche 10 juin 2018
Un effort constant
Le maintien de la pensée-moi nécessite un effort constant parce que ce n'est pas du tout naturel de se prendre pour une personne. Nous sommes les seuls êtres de la création à avoir cette ridicule prétention d'un moi central aux commandes de la vie (je pense, je décide, je crée, je mange, je pète, je meurs). Pour que cette croyance aberrante se maintienne comme force d'illusion il faut l'entretenir sans arrêt contre l'évidence de son absurdité. Aussi toute réflexion qui viendrait à la remettre en cause est aussitôt perçue comme une terrible menace — le château de cartes pourrait s'écrouler. Le réflexe de défense pour rejeter l'objection narcissiquement insupportable est alors immédiat : sarcasmes, mépris goguenard, amalgames intellectuellement malhonnêtes, etc. (La surchauffe défensive est le mode ordinaire du moi.)
Pour faire passer la pilule je peux te dessiner, au choix : une femme à poil, une montagne escarpée, des pas perdus dans la neige, une marmotte, un chalet suisse, un tablette de chocolat ou une pendule à coucou. Tu choisis quoi ?
mercredi 6 juin 2018
lundi 4 juin 2018
vendredi 1 juin 2018
dimanche 27 mai 2018
jeudi 24 mai 2018
Pas de mal
Comme il n'y a pas de moi localisé ici, il n'y a rien d'extérieur là-bas, rien de séparé, rien qui ferait face, rien qui ne puisse me tomber sur la gueule comme une tuile. Donc rien de ce qui apparaît est autre ou étranger. Pas d'altérité avec laquelle devoir dealer. On pourrait dire que tout est soi-même, mais comme il n'y a pas de soi c'est une formulation inexacte. Tout est "ce qui est". C'est tout et c'est parfait. Il n'y a rien d'extérieur à ce qui est (pas de sujet, pas d'observateur, pas de penseur). "Ce qui est" est totalité. C'est un tout indivisible (ou qui ne se divise que dans l'esprit, par imagination). Dans l'expérience directe, sans le recours à la mémoire, il n'y a jamais que l'unité de ce qui est. Si est laissée de côté la prétendue connaissance de qui je suis et de ce qu'est le monde, alors ce qui est vu n'est vu par personne. C'est juste vu. Ou plutôt c'est "voir" - et aucun objet séparé n'est vu. Ce qui est vu n'est rien d'autre que l'expérience de voir. La dualité sujet-voyant/chose-vue est uniquement une fabrication imaginaire de l'esprit.
Il n'y a pas de mal à fabriquer de la dualité ! C'est très amusant de se faire des frayeurs, c'est distrayant de se raconter des histoires. On passe son temps à ça. A jouer à la dualité. Je serais le chérif et tu serais Billy The Kid. Je serais le chat et tu serais la souris. Titi et Gros Minet, César et Cléopâtre, Docteur Jekyll et Mister Hyde, Robinson et Vendredi. Et pour que la sauce prenne, il faut s'identifier au corps de façon à penser et sentir "je suis ce corps ici, tout le reste là-bas est extérieur à moi". Ça crée un immédiat petit frisson d'angoisse. Alors on est prêt pour la grande aventure du moi dans le monde.
mercredi 16 mai 2018
mercredi 9 mai 2018
mercredi 2 mai 2018
mardi 1 mai 2018
lundi 30 avril 2018
dimanche 29 avril 2018
Un doute
– Peut-on faire de l'humour ?– C'est une vraie question ? Bien sûr qu'on peut faire de l'humour !– Vous, vous le pouvez ? Vous vous sentez réellement pouvoir faire de l'humour ?– Mais bien entendu que je le peux ! Vous vous moquez de moi, c'est ça ? Cette question sur la possibilité ou non de faire de l'humour doit être votre façon de faire de l'humour... Eh bien laissez-moi vous dire que ce n'est pas très drôle.– Ne peut-on pas faire de l'humour qui ne soit pas drôle ?– Vous êtes fatigant.– Vous ne me trouvez pas drôle ?– Aucunement.– Mais vous me reconnaissez pourtant faire de l'humour.– Si vous voulez. Un humour tordu, particulièrement pénible. Un humour de crétin pas drôle du tout.– Carrément ?– Vous m'interrogiez, voilà ma réponse.– Vous êtes sévère. C'est sans appel ?– Sans appel.– Vous n'êtes pas drôle.– Vous non plus.– Vous l'avez déjà dit.– Je l'ai dit et je le répète, sans la moindre prétention à être drôle ou à faire de l'humour.– Vous êtes sinistre. Sinistre et méchant.– Vous allez me foutre la paix oui ? Pauvre type. Malade.– Vous êtes carrément agressif, là, c'est incroyable. Je n'étais pas bien sûr de pouvoir faire de l'humour, maintenant je suis fixé. Adieu. Crruiiiik !
vendredi 27 avril 2018
Belle-Ile en moi
Je ne me sens pas du tout rétréci. Au contraire, je n'ai pas de limites. Je suis l'espace et tout ce qui apparaît, sans distance. Surtout, je n'ai plus l'impression de localisation (ce sentiment d'être quelqu'un quelque part). L'arrière-plan vide et silencieux est une notion provisoire. Ça permet de défaire une fixation. Mais après ce partage des eaux, il y a l'expérience réelle, oui, qui n'est pas scindée en arrière-plan et en avant-plan, en vide et en formes, en Soi et en manifestation, en nirvana et samsara. Tout ça c'était des concepts qu'on a utilisés pour défaire une représentation illusoire. Maintenant l'école est finie, c'est bon, on peut passer au monde réel. Et là tout est un, tout est là, tout est parfait. Il y a parfois la marionnette François qui surgit (hello !), mais de plus en plus souvent c'est le monde, rien que le monde-espace-vide-énergie, sans marionnette au centre. Ça dépend des circonstances. Parfois c'est chargé, parfois c'est dégagé. Tout est parfait.
jeudi 26 avril 2018
vendredi 13 avril 2018
mercredi 11 avril 2018
lundi 9 avril 2018
samedi 7 avril 2018
Au travail !
Ce n'est pas le tout de jouer à l'idiot, mais je vois bien que ce n'est pas le plus rigolo de dire que je n'ai plus de projet et que je n'en veux plus. Anne, ça commence à la soûler. (Je n'ai pas réussi à la convaincre que c'était une libération de la névrose, la libération de l'injonction capitaliste intégrée à tous les étages : produire toujours plus.)
Elle veut que je m'y remette. Que je dessine sérieusement. Que je prépare un nouveau livre. Un nouveau livre, ah oui, voilà ce qui serait réjouissant !
Je pense que c'est parce qu'elle est encore soucieuse du qu'en-dira-t-on. Elle a un peu honte de moi quand elle me regarde avec les yeux des autres. D'autant qu'elle trouve que je présente toujours ma situation comme une catastrophe. (J'avoue, j'aime bien faire l'opposé de ce que conseillent les coachs d'entreprise). Bref, elle veut que je sois adulte. Que je joue les règles rassurantes.
Ok, bitch, je vais la jouer ta putain de comédie ! ah ah !
Quoi ? Ce n'est pas ça ? Il ne faut plus que je joue justement. Il faut que j'y crois, que je le fasse pour de bon, pour de vrai, au premier degré de la réalisation pacifiée, et avec plaisir tant qu'à faire, oui, avec une joie com-mu-ni-ca-tive.
Entendu. Je vois très bien, inutile de m'en dire plus, je ne suis pas idiot. La petite mécanique de la vie, quoi. Et d'abord donner l'impression de me tourner vers le "monde extérieur". C'est ça ? Pas de problème, je vois très bien. Retourner à l'observation du monde extérieur (je retire même les guillemets). Je peux le faire. Si ça te rassure ma chérie, je peux le faire. Et je vais le faire. Maintenant. Si si.
Tiens, voilà, c'est bon, regarde :
dimanche 1 avril 2018
samedi 31 mars 2018
L'amitié des cailloux
Avoir de nombreux amis, tout le monde vous le dit, contribue à l'épanouissement et au bonheur. Je n'en doute pas, mais... à quel prix ?
Etant donné que vos amis vivent comme vous avec la désagréable impression d'un vide au centre de leur existence, ils attendent de vous, leur ami, que vous le combliez magiquement. Bien sûr c'est rêver. Rien ne comble durablement le manque existentiel, c'est entendu. Malgré tout votre amicale fréquentation peut-elle distraire un peu de ce manque. Ce n'est pas la panacée mais c'est tout de même mieux que rien. Alors on compte sur vous, samedi soir.
Voilà le prix à payer : du temps, énormément de temps — ce temps infini qu'il faut pour tenter de combler un puits sans fond.
Ce que tout le monde ne vous dit pas, en revanche, c'est qu'avoir de nombreux amis parmi les cailloux contribue tout aussi bien à l'épanouissement et au bonheur. L'immense avantage de cette amitié est qu'elle est beaucoup plus légère que celle de vos congénères. Un caillou ne fixe pas de rendez-vous. Il est toujours là, merveilleusement disponible. Il n'attend pas de vous que vous compensiez par votre présence un manque existentiel qu'il n'a jamais éprouvé. Il n'attend pas que vous le distrayez, le rassuriez, l'encouragiez, le félicitiez, non. Le caillou n'attend rien de vous, de même que vous n'attendez rien de lui.
Pourtant, miracle, sa présence amicale comble aussitôt en vous toute impression de manque, de béance, de séparation. Avec lui vous voilà délivré pour de bon. (Merci, caillou !)
vendredi 30 mars 2018
mercredi 28 mars 2018
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