(ni ceci ni cela)

mardi 3 septembre 2024

Quand tu auras rendu ton dernier souffle

 

Tu habites une cabane isolée depuis plus de trente ans. Tu pourrais être bûcheron, braconnier ou bandit en cavale, mais tu n'es rien de tout ça. Tu vis seul sans jamais avoir eu la vocation de la solitude. Tu t'étonnes de survivre année après année alors que tu n'as jamais gagné un sou. Par chance tu aimes les baies et les racines, ce qui constitue l'essentiel de tes repas. Quand il t'arrive d'attraper un lapin ou de pêcher une truite à main nue dans la rivière, c'est un festin. Tu regrettes alors de ne pouvoir le partager avec quiconque. Mis à part ça, la compagnie des hommes ne te manque pas. A défaut de leur parler tu t'adresses parfois à eux en leur écrivant de longues lettres que tu gardes pour toi. Tu les entasses dans un joli coffre en bois peint que tu conserves sous ta table de nuit, sans te soucier de ce qu'elles deviendront une fois que tu auras cassé ta pipe. La routine de tes journées presque toutes identiques est la seule chose qui t'occupe. Depuis peu tu te mets à boiter dès que tu t'éloignes un peu trop. Aussi tes promenades se font de plus en plus courtes, et ton humeur de plus en plus sombre. Personne ne te regrettera quand tu auras rendu ton dernier souffle. Cette pensée t'est douce.